La mode est aux commissions d’enquêtes. Industries, incendies, meurtres gratuits ou soulèvement populaire, tout se règle à coups d’enquêtes publiques, sorte de combat de boue où plein de gens en sortent éclaboussés.

La dernière en lice? Cette sortie d’un ex-joueur des Saguenéens de Chicoutimi de l’édition 1994-95, l’année où l’équipe remportait la Coupe du président. Après avoir pris connaissance de certains témoignages livrés en commission parlementaire, Carl Latulippe, le premier choix des Saguenéens en 1994, révèle des faits extrêmement compromettants qui se seraient passés au cours de son court séjour avec l’équipe.

Son témoignage saisissant atteint son paroxysme quand il raconte qu’au cours d’un voyage en Abitibi, des joueurs vétérans ont forcé des recrues à se masturber dans le bus les menant vers Rouyn-Noranda. Afin d’activer l’éjaculation, les joueurs auraient mis des cassettes de films pornographiques diffusés sur les écrans à l’intérieur du véhicule.

Mythe ou vérité

Tout ça, et encore beaucoup de choses qu’il dit avoir vécues en seulement six jours, pour ensuite retourner chez lui. Une série de révélations qui soulèvent autant l’indignation que de questions, et provoque un retour en arrière. Une boîte de Pandore qui n’a pas fini de susciter des commentaires.

J’ai été l’un des tous premiers journalistes à couvrir les activités des Saguenéens en 1973. Je côtoyais les Locas, Desforges, Côté, Poulin et plus tard, les Carbonneau, Munger, Leblanc et autres jusque dans la chambre des joueurs. J’ai assisté à pas mal de niaiseries de jeunesse comme en font des gars en gang. Mise à part parfois l’exubérance de certains joueurs de cartes, jamais rien vu de bien spécial à l’occasion des longs voyages en bus.

Alors quand je prends connaissance des témoignages de ce premier choix des Saguenéens de 1994 qui n’a fait que passer, j’ai du mal à admettre que de tels comportements aient pu avoir lieu sans jamais avoir été ébruités avant cette sortie spectaculaire de Latulippe.

Des boîtes à rumeurs

Après avoir contacté des personnes qui se tenaient dans l’entourage du club à l’époque, je n’ai pu trouver quelqu’un qui se souvienne de tels événements. Je sais, pour y avoir travaillé pendant 32 ans, que les salles de rédaction se nourrissent de rumeurs, parfois folles, mais qui traînent souvent un relent de vérité.

En parlant avec un collègue du Quotidien de l’époque, Serge Émond, qui couvrait les activités du club en 1994, il confirme n’avoir jamais eu vent de gestes semblables.  Et rien de tel ne faisait partie non plus des commérages habituels qui circulaient dans notre salle de rédaction.

Les dirigeants de l’époque comme le gouverneur, Yvon Bouchard, se montrent tout aussi étonnés. Selon lui, ‘’si de tels gestes avaient été posés, des rumeurs auraient immanquablement fuité jusqu’aux oreilles des dirigeants de l’organisation, mais personne n’en a jamais entendu parler, c’est difficile à croire ‘’.

Des anciens joueurs de cette édition de 1994, comme Yanick Jean et Marc Denis ont formellement démenti avoir eu vent de tels agissements.

Enquête questionnable

Selon ce qu’a appris La Presse, un autre joueur des Saguenéens de l’époque aurait confirmé certains faits avancés pas Latulippe, sans toutefois en avoir été témoin. Mais cet ancien coéquipier, qui prétend ne pas avoir conservé de lien avec Latulippe, l’a fait dans l’anonymat.

Alors peut-on porter foi aux révélations que suscitent ces enquêtes de la LHJMQ? Plusieurs autres joueurs de l’époque ont confirmé que tous ces faits ne leur rappellent rien. Éric Fichaud et André Roy, qui jouaient à Chicoutimi, ont révélé publiquement que jamais ils n’ont été témoins de tels gestes dégradants. Il n’en demeure pas moins qu’à la lumière d’un seul témoignage, confirmé par un anonyme et réfuté par plusieurs acteurs du temps, l’enquête noircit 50 ans d’histoire ancrés dans l’esprit de la région. Reste à souhaiter que le commissaire par intérim, Martin Lavallée, connaisse toutes les conséquences d’une telle démarche.