Comme si tout n’allait pas assez mal au conseil de ville de Saguenay, voici qu’un citoyen passéiste et quelques conseillers relancent le débat sur le nom de la ville et certains réclament même, la d’effusion. À part faire oublier la désuétude de notre belle grande ville et mettre de côté la relance des projets constructifs, cette controverse ne sert qu’à exacerber le chauvinisme que la nouvelle génération, tournée vers la mondialisation, tourne en ridicule.
Mettons d’abord les choses au clair. Les noms de Chicoutimi, Jonquière et La Baie pas plus que les quatre autres municipalités concernées ne sont pas disparus de notre vocabulaire. D’ailleurs, mon adresse précise que je demeure à Chicoutimi .Le décret officialisant la fusion stipulait que l’on pourrait toujours indiquer, selon notre préférence, le nom de la nouvelle ville ou celui de l’arrondissement.
Retour en arrière
Quelqu’un (peut-être San Antonio) a déjà écrit: L’histoire est une sorte de récit consensuel. C’est un mythe que nous accréditions’’. Avant lui, Napoléon (qui ne faisait pas dans la dentelle si on en croit les historiens) était allé encore plus loin :’’L’histoire est une suite de mensonges sur lesquels nous sommes tous d’accord’’. Bref, nous devons nous montrer prudents envers toutes les interprétations de l’histoire.
Le poste de traite de Chicoutimi fête bientôt ses 350 ans. Ce n’est pas très longtemps après que les explorateurs ont découvert les côtes de notre pays. Mais, c’est à La Baie, reconnue par les historiens comme le berceau de la région, que se sont installés les premières familles.
Chacun trouve sa justification de fierté. La traite des fourrures par les coureurs des bois ou l’établissement des premières familles, génératrices de toute une population, rien n’est absolu.
Histoire contemporaine
La prolifique écrivaine-historienne, Aurore Bouchard, a pratiquement fait scandale quand elle a lancée l’histoire de Jonquière, en 1997 à l’occasion du 150e de sa fondation. Pour l’historienne Bouchard, celle que l’on célébrait depuis des décennies comme fondatrice de Jonquière, Marguerite Belley, n’était tout au plus une mère de famille parmi tant d’autres qui se sont établis à la même époque sur les bords de la rivière aux Sables.
L’étonnante révélation à propos de cette dame (dont je suis, au demeurant, un descendant direct du côté des Maltais, fils de Mme Belley, tout comme l’ex-ministre, Jacques Brassard d’ailleurs) n’avait guère plu aux officiers municipaux de l’époque.
Mais, le livre de Mme Bouchard n’a pas manqué de soulever un débat que certains continuent de garder vivant. Il faut reconnaître que l’auteure historienne était la première à creuser aussi loin à travers les archives et qu’en vertu de la rigueur de ses recherches antécédentes, on pouvait la prendre au sérieux.
Débat émotif
En ce qui concerne le nom de Chicoutimi, le débat dépasse la dimension historique. Chicoutimi, on va se le dire, a longtemps été considéré comme le principal centre commercial de la région. Les maisons mères des institutions scolaires, religieuses et administratives s’y retrouvaient en même temps que l’hôpital régional, le Palais de Justice, le Colisée et plus tard l’université. Les usines d’aluminium et de papier produisaient à Jonquière, mais les bureaux administratifs se trouvaient à Chicoutimi.
Les nostalgiques de ces avantages structurels n’ont jamais accepté que le juge, Pierre Bergeron, un natif de Jonquière, mandaté par le comité de transition pour fournir un rapport sur la question du nom, remplace Chicoutimi par Saguenay. Les consultations du regretté juge Bergeron concluaient que la seule issue possible pour réussir la fusion était de trouver un nouveau nom pour cette entité.
Cette décision stratégique demeure le nœud gordien de cette union imposée. Tenter de le dénouer nous ramènera 20 ans en arrière en provoquant des élans de chauvinisme pernicieux plus dommageables que les coûts d’une telle décision imposeraient.
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