S’il est plausible de croire que des taux d’intérêt élevés peuvent freiner certains projets dans le domaine privé, on ne peut accepter cette excuse pour geler les grandes réalisations des organismes publics. À Saguenay, où l’administration municipale s’est mise sur pause depuis son accession au pouvoir, certains évoquent l’excuse de la montée des taux d’intérêt pour retarder la mise en place de grands chantiers.
Un retour en arrière s’impose pour réfuter ces justifications, alors que les citoyens de Saguenay doivent composer avec une nouvelle hausse de taxe foncière doublée de taxes supplémentaires pour les services. Les plus grands investissements des 25 dernières années émanant de la ville de Saguenay ont été réalisés en période inflationniste.
Dans le second mandat de la ville fusionnée l’ex-maire Jean Tremblay, en 2005, les taux d’emprunts hypothécaires avoisinaient les 8%. L’usine de la Consol à La Baie venait de fermer ses portes, Alcan cessait d’alimenter ses cuves Soderberg, Walmart se retirait du marché à Jonquière et les usines d’épuration exigeaient d’importants investissements, tout comme les boulevards et les rangs répartis sur tout le territoire.
C’est pourtant le moment que la ville de Saguenay a choisi pour lancer le grand chantier du quai de bateaux de croisières et son village d’accueil. Un projet global d’au-delà de 50 M$.
À la même époque, dans l’arrondissement de Jonquière, on complétait la bibliothèque ultra-moderne au coût de 12 M$ et du côté de l’arrondissement de Chicoutimi, sur les terrains de l’UQAC, on installait un terrain de soccer, un nouvel aréna, un centre de recherches et un édifice pour accueillir la nouvelle faculté de médecine.
Il s’agit là d’investissements majeurs, mais beaucoup d’autres, comme les pistes cyclables partout sur le territoire, ont connu leur amorce dans cette période où les taux d’intérêt frôlaient le 8%. Le plus étonnant, c’est que non seulement on n’augmentait pas les taxes pour autant, mais on les gelait.
Les fermetures d’usines et de commerces de ce second mandat créaient de l’incertitude. Et les activités sociales et culturelles n’avaient pas été épargnées, non plus. À titre de responsable des communications pour le cabinet du maire, je suivais Jean Tremblay de très près durant cette période effervescente.
Contrairement à la perception populaire de l’époque, tous les conseillers n’adhéraient pas toujours aux solutions proposées par le maire. En 2003, le Carnaval Souvenir de Chicoutimi mort depuis peu, avait été remplacé, sans beaucoup d’enthousiasme, par les Hivernades, une idée du regretté promoteur Robert Hakim. Or, à l’été 2005, alors que l’économie tournait au ralenti, ce même promoteur interpelait la ville pour participer au financement de la troisième édition de l’activité estivale fort populaire des Rythmes du monde.
Beaucoup de conseillers, voire la majorité, se montraient réticents à ce que la ville investisse davantage dans cette attraction culturelle d’envergure nationale. Le maire considérait que le promoteur avait fait ses preuves et méritait que la ville s’associe financièrement à cet événement pour compenser le support financier du milieu ralenti par la crise.
Je n’ai pas manqué d’exacerber son enthousiasme en l’encourageant à convertir ses conseillers à cette cause que j’endossais personnellement. Son acharnement et ses qualités de négociateur ont eu raison de toutes les argumentations et la ville a pu garder cet événement qui ramène les citoyens au centre-ville au beau milieu de l’été, où la population a quitté vers les chalets ou les terrains de camping.
Le contraste ne manque pas de nous frapper quand on cherche où, vers quel projet, se dirigent nos administrateurs municipaux actuels. On assiste à des débats publics à propos d’événements sur la Zone portuaire (Chicoutimi), on questionne la pérennité du Chantier du Père Alex, on change la vocation du parc des Mille Lieux, on parle le moins possible des croisières et de Promotion Saguenay et on attend toujours le développement du site aux abords de la rivière-aux-Sables. Le pire, devant cet aveu d’impuissance, l’administration municipale nous répond en augmentant nos taxes, mais sans oublier au détour de s’attribuer des augmentations de salaires qui, elles, sont justifiées par l’inflation.
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