En reprenant une partie de l’immeuble que la ville avait échangé à l’homme d’affaires, Paul Boivin, pour une bouchée de pain contre la promesse de transformer l’édifice en un hôtel de luxe et de remettre à jour le stationnement à étages, la ville de Saguenay met fin à une saga judiciaire dont on ne voyait plus la fin. Mais contrairement à ce qu’on laisse entendre dans un communiqué émis la semaine dernière, il est moins que certain que Saguenay en sorte gagnant.
Parce que cette transaction soulève encore beaucoup de questionnements dont les réponses ne se trouvent pas dans les communiqués. Et contrairement à ce que la mairesse Julie Dufour laisse entendre, si l’idée de mettre fin à cette saga est en soi une bonne nouvelle, rien n’est moins certain que la ville fasse une bonne affaire.
Un peu d’histoire
En 2013, peu après que des spécialistes aient convaincu la ville de Saguenay de fermer le stationnement à étages du Carrefour Racine, l’administration Jean Tremblay veut se départir de cet héritage contraignant acquis de l’administration précédente d’Ulric Blackburn. On cherche un acquéreur pour cette partie de l’immeuble en copropriété avec une compagnie propriété de Paul Boivin. Avec l’évolution des lois dans le domaine municipal, l’administration de l’époque considère qu’on ne peut partager une propriété avec le privé sans contrevenir éventuellement à certaines normes, voire aux nouvelles lois.
Un acheteur étranger se présente, un Indien du nom de Sami Achad. Il envisage d’acquérir tout l’immeuble et d’y construire un complexe de 20M $. La ville voit là une occasion inespérée de solutionner son problème. Même son copropriétaire, Paul Boivin, qui jouit d’un droit de premier refus sur cette transaction, se montre intéressé. Mais voici que l’éventuel acquéreur revient sur sa proposition d’origine. De vingt millions, le projet passe à dix millions. À ce compte-là, Paul Boivin revient sur sa décision et décide de réaliser lui-même le projet, nonobstant les obligations de réfection et d’amélioration imposées par la ville.
Projet reporté
On connaît la suite, la ville accorde d’abord deux ans, puis trois ans au promoteur pour qu’il puisse remplir ses obligations. En mai 2017, la Ville entame des procédures judiciaires contre Paul Boivin qui réplique par une mise en demeure. Arrivent les élections de 2017 et la nouvelle mairesse Josée Néron, sans aboutissement. L’entente hors cours ne survient que cinq ans plus tard, en février dernier, sous une autre nouvelle administration municipale, celle de Julie Dufour.
Saguenay obtient donc la rétrocession de tout l’immeuble et une somme de 450 000$ de la part de l’ex-copropriétaire, Paul Boivin.
Et aujourd’hui, la ville redevient propriétaire à part entière d’un immeuble que le principal locataire, le CLSC, se prépare à quitter. Un locataire dont les activités médico-sociales assuraient le dynamisme du centre-ville autant par ses employés que par une fréquentation constante de sa vaste clientèle. Un immeuble dont le propriétaire payait des taxes municipales qui ne rentreront plus dans les coffres de la ville.
Investissements nécessaires
Un immeuble avec un stationnement à étages inutilisable et qui nécessite des millions de dollars en rénovations pour le rendre attrayant pour d’éventuels locataires. Une saga qui aura coûté, outre les frais juridiques (on a accordé le mandat à une firme d’avocats privée), du temps de fonctionnaire et suscité beaucoup d’inquiétudes chez les autres locataires et commerces environnants.
Alors si on veut le reprendre en mains et revitaliser le centre-ville comme l’espère la mairesse, on devra trouver de nouveaux moyens de financement. Sinon, le contribuable doit s’attendre à d’autres augmentations du compte de taxes dans le prochain budget. Malheureusement, dans le contexte actuel, il faut craindre que ce soit encore du côté du payeur de taxes que se trouve la solution. Somme toute, la véritable nouvelle, c'est que la ville vient d’acquérir un éléphant blanc.
(418) 546-2525
ckaj@ckaj.org