
La mairesse de Saguenay, Julie Dufour, ne témoignera finalement pas dans son procès qui l’oppose au Directeur général des élections du Québec (DGEQ), qui l’accuse de manœuvres électorales frauduleuses. Ce sont donc les deux déclarations écrites, rédigées respectivement les 22 mars et 15 mai 2024 qui font foi de sa version des faits, déclarations écrites dont le 92,5 Ma radio d’Ici a obtenu copies.
Mme Dufour nie d’abord les prétentions de Jean-Marc Crevier et Serge Simard, comme quoi elle aurait offert aux deux hommes de ne pas l’affronter en campagne électorale à la mairie en novembre 2021, en échange de considérations futures. “ Rien n'est plus faux”, dit-elle, “je n'ai pas offert d'emploi, de boulot, de contrepartie, de charge ou quelque autre avantage que ce soit à messieurs Crevier et Simard. Je n'ai pas non plus cherché à les convaincre, même timidement, de retirer leur candidature au poste de maire ou de conseiller, ni même un seul instant réfléchi à une stratégie visant à convaincre I'un ou I'autre de poser un geste favorisant, directement ou indirectement ma propre candidature à la mairie de la Ville de Saguenay”.
Vengeance politique
Mme Dufour dit croire être l’objet d’une vengeance politique et de critiques, découlant du congédiement de la greffière Caroline Dion et de l’exclusion de Michel Tremblay du Comité exécutif de Saguenay, ciblant du coup l’ex-mairesse Josée Néron qui a déposé la plainte au DGEQ, Jean-Marc Crevier et aussi Michel Tremblay. “lls mentent et ils ont inventé leurs histoires qu'en réaction et après les mesures et réformes éthiques mises en place à la Ville de Saguenay qui ne font pas leur affaire et celle de leurs amis et alliés”.
Mme Dufour précise aussi dans sa déclaration la manière avec laquelle elle a informé ses conseillers de son choix en 2021 de se présenter à la mairie. Elle raconte aussi une rencontre avec Jean-Marc Crevier où ce dernier lui a avoué qu’il ne se présenterait ni à la mairie ni comme conseiller. Elle lui a alors dit: “Si tu te présentes à la mairie, on va avoir de bons débats et ça va me faire plaisir. Si tu te présentes comme conseiller et que je suis mairesse, ça va me faire plaisir de travailler avec toi. Puis, si tu ne fais ni l'un ni l'autre, et que tu veux encore t'impliquer, tu pourras le faire”.
Dossier Caroline Dion
Concernant le dossier de l’ex-greffière Caroline Dion, la mairesse de Saguenay avoue qu’elle ne pouvait pas penser que monsieur Crevier allait publiquement changer d'idée sur la destitution de Me Caroline Dion alors que, mentionne-t-elle, il est le proposeur de la résolution de destitution adoptée par le conseil municipal. Elle ne pouvait pas penser non plus, dit-elle, qu'il allait ensuite entreprendre une tournée médiatique alléguant de nombreux faits erronés ainsi qu'en partageant le contenu des réflexions et délibérations ayant mené à la décision prise.
Serge Simard
Concernant son adversaire à la mairie Serge Simard, elle confirme l’avoir rencontré, mais dans le but de mieux connaître les intentions de ce dernier quant à la mairie, et aussi pour discuter de quelques enjeux de campagne pour mieux enligner leurs campagnes d'un point de vue médiatique. Julie Dufour ajoute qu’elle n’a jamais eu le souhait de convaincre M. Simard “dans un sens ou dans I'autre, ou de tenter, même subtilement ou indirectement, de le dissuader de quoi que ce soit”. La mairesse souligne le fait qu’elle a plutôt rapidement compris que Serge Simard s'était déplacé pour tenter de la convaincre de lui laisser libre passage en retirant sa candidature et en I'appuyant. “Monsieur Simard a, tout de suite, été condescendant à mon égard et m'a mentionné que j'étais trop jeune pour me présenter, que jamais je ne passerais, donc que je devrais “me coucher” et que c'était à son tour d'être maire”.

Jacinthe Vaillancourt
Dans son second affidavit du 15 mai 2024, la mairesse Julie Dufour déclare que parallèlement aux exemples de Serge Simard et Jean-Marc Crevier, elle n’a en aucun temps offert un emploi dans le but de convaincre madame Vaillancourt de ne pas se présenter à la mairie contre elle en 2021. Mme Dufour confirme la version livrée au procès par cette dernière, comme quoi la consultante est venue près d’elle en 2018 comme ressource au moment de sa séparation, faisant de Mme Vaillancourt sa thérapeute. « Il était clair », dit-elle, « dès notre première rencontre, que ses thérapies ne viseraient que l’aspect personnel de ma vie puisque c’était ce que je recherchais à l’époque et aussi, de son propre aveu, parce qu’elle ne « connaissait rien en politique », qu’elle n’était « pas bonne en politique ». Elle ajoute que jusqu’en 2021, elle a considéré madame Vaillancourt comme un mentor, une thérapeute, une amie, vers qui elle pouvait se tourner dans « ses moments de vulnérabilité ».
Puis de fil en aiguille, avec la décision de Julie Dufour de se présenter à la mairie en 2021, Jacinthe Vaillancourt rejoint le comité électoral de Mme Dufour. Mais en juillet de cette même année, la relation entre les deux femmes n’était plus la même. Elles se rencontrent chez Mme Dufour pour discuter. "La première impression que madame Vaillancourt me donne est un sentiment de malaise de sa part et elle débute en soulevant les critiques qu’elle a entendu à mon égard de la part de citoyens ou gens du milieu des affaires, que les gens parlent contre moi, qu’elle doute que je gagne, et même que les gens de son réseau lui auraient dit qu’elle serait meilleure que moi".
Brèche de confiance
« J’essaie alors d’être rassurante, positive et de normaliser la situation, connaissant le milieu de la politique depuis plusieurs années, je sais que les critiques sont fréquentes, peuvent être dures et les moments de découragements s’en suivent. Durant cette conversation, j’ai perçu une brèche dans sa confiance en moi et, surtout, qu’elle ne voulait plus travailler aux côtés de quelqu’un qu’elle percevait comme une perdante. Les propos de madame Vaillancourt et son attitude distante à mon égard m’ont provoqué un choc émotif. J’avais devant moi la personne en qui j’avais mis toute ma confiance depuis 2018, à qui j’avais partagé les plus grands pans de mon intimité, qui m’avait épaulé et encouragé dans des moments très difficiles de ma vie personnelle, qui me disait maintenant qu’elle doutait de mes capacités ».
Pas au courant
Julie Dufour contredit le témoignage de Jacinthe Vaillancourt livré au procès comme quoi cette dernière lui avait communiqué ouvertement de vouloir se présenter elle aussi à la mairie. « Jamais, mais absolument jamais, avant ou pendant cette conversation madame Vaillancourt n’a mentionné l’idée ou l’intention de se présenter à la mairie et absolument rien ne pointait vers là. Je n’ai rien promis ou offert à madame Vaillancourt afin qu’elle renonce à se présenter contre moi alors que j’ignorais tout de ses réflexions à ce sujet ».
Tentative de "putsch"?
Julie Dufour avance aussi avoir appris que Jacinthe Vaillancourt a tenté de prendre sa place au sein de sa propre équipe électorale. « À la mi-juillet 2021, madame Vaillancourt aurait appelé tour à tour Bruce Aziz, Charles Cantin et Jean-François Lalonde, tous membres de mon comité de campagne, afin de leur proposer de les aider à me « tasser » pour qu’elle puisse ainsi prendre ma place comme candidate à la mairie. On m’avise que malgré cette tentative de « putsch », madame Vaillancourt n’a jamais évoqué son désir de se présenter « contre moi », elle voulait simplement se présenter « à ma place ». Julie Dufour complète cette déclaration en spécifiant que bien qu’elle ait peut-être eu le projet d’aborder ce sujet avec elle lors de la rencontre survenue en juillet 2021, Mme Vaillancourt ne l’a jamais fait.
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