Au commencement, il y a eu consensus pour établir un lien routier entre les deux sous-régions. Une route moderne à quatre voies divisées, comme celle que l’on emprunte depuis 2020 dans la réserve faunique des Laurentides.
C’était il y a déjà plus de 48 ans, en 1976. Le Saguenay allait être relié au Lac-Saint-Jean par une voie rapide favorisant les échanges socio-économiques entre ces deux pôles principaux de développement. Mais il fallait soutirer l’assentiment général de la population pour obtenir ce consensus historique. Ce qu’on a cru obtenir à l’occasion de la tenue d’un premier sommet économique, en 1984.
Je reviens sur le sujet aujourd’hui parce que 20 ans plus tard on nous annonce que le ministère des Transports et de la Mobilité durable a choisi le tracé définitif pour compléter ce lien vers le Lac-Saint-Jean. En fait, il n’y a de définitif que l’orientation que prendra le tracé offert en quatre versions différentes. Ce sera vers le Nord, soit, mais par quel tracé? On devra encore consulter la population pour le savoir. Bien d’autres années de patience en perspective.
Le sud favorisé
S’il fallait décrire toutes les embûches qu’il aura fallu franchir pour en arriver 40 ans plus tard à ce trait d’union hachuré, j’en aurais pour plusieurs pages. Qu’il s’agisse de rappeler notre plus petite autoroute du monde, construite de 1981 à 1992, qui a bien fait rire toute la province avec son kilomètre et demi de Chicoutimi à Jonquière. Laissant Chicoutimi et Jonquière débattre du nombre de bretelles nécessaires pour satisfaire l’ego des politiciens, on a poursuivi le travail en sautant par-dessus l’agglomération de Jonquière, en route vers le Lac-Saint-Jean. Dans un premier temps, de 1994 à 1999, on proposait d’atteindre le Lac-Saint-Jean par le sud. Une perspective qui s’est butée à la contestation de la plus grande agglomération de la région du Lac-Saint-Jean, la ville d’Alma.
Ce qui semblait logique, du moins pour les députés ministres de Roberval, Benoît Bouchard dès 1996 au fédéral et Karl Blackburn en 2001 au provincial, ne réjouissait pas du tout les almatois, surtout par les commerçants, qui y voyaient, ni plus ni moins, qu’un contournement de leur territoire.
Vers l’ouest aussi
Ce ne sera qu’après cet épisode d’arrêt de construction vers Saint-Bruno, de 1998 à 2003, qu’on en a profité pour reprendre les travaux afin de traverser l’agglomération de Jonquière et connecter avec la plus petite autoroute du monde. Une triste bataille chauvine entre les administrations de Jonquière et Chicoutimi qui renforçait les desseins des tenants d’une fusion qui sera finalement décrétée en 2002.
À l’autre bout de cette voie interrégionale, vers La Baie, on annonçait 20 ans plus tard, en juin 2022, l’aménagement final d’un tronçon de 6,9 kilomètres, un projet de 307,4M$, qui compléterait l’autoroute de l’aluminium, baptisée ainsi par le collègue journaliste, Denis Bouchard. Deux ans plus tard, on y travaille toujours. On nous promet ce tronçon vers La Baie pour 2028, celui vers le Lac-Saint-Jean aux calandres grecques.
Détour de l’objectif
On constate somme toute que quand les intérêts personnels prennent le pas sur les objectifs véritables, les écueils sont nombreux. Loin de tout régler, les grandes consultations populaires creusent de larges failles sur la route des grands projets. On s’y connaît dans ce domaine à Saguenay et l’exemple de ce lien entre nos sous-régions est devenu l’archétype de la discorde.
Le plus cocasse durant la longue saga de cette autoroute entre Alma et La Baie, des personnes persévérantes et réalistes parvenaient à convaincre le reste du pays qu’il nous fallait une route moderne, à quatre voies divisées, pour sortir de notre isolement géographique. Et tandis qu’on étirait le temps pour repousser l’exécution de la route de l’aluminium, on parvenait à creuser dans les montagnes de la réserve faunique des Laurentides pour dérouler une route à quatre voies que toute la province nous envie encore aujourd’hui.
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