On ne peut nier la ressemblance entre la bataille livrée par la Coalition Union 138, aujourd’hui, et celle menée par Accès bleuet, jusqu’à la fin des années 90. Depuis 60 ans, la Côte-Nord rêve d’un pont surplombant le Saguenay de Tadoussac à Baie Sainte-Catherine; depuis les années 60, le Saguenay-Lac-Saint-Jean rêvait d’une route à quatre voies divisées dans la Réserve faunique des Laurentides.

Comme pour l’autoroute à quatre voies, le flux de circulation automobile constitue l’argument principal de la machine gouvernementale pour refuser le pont à Tadoussac. Dans les deux cas aussi, l’argument des régionaux repose sur le développement économique et démographique.

Opposition

De même les deux projets se butent à l’opposition des autres régions. L’Outaouais revendiquait depuis longtemps une route à quatre voies vers Montréal et sa députation ne manquait jamais de rappeler à Québec comme à Ottawa que l’autoroute du parc n’était pas la priorité.

Pour le pont à Tadoussac, c’est le Saguenay qui se montre réticent à appuyer le projet sous prétexte que l’initiative priverait les commerces de Saguenay d’une clientèle cote- nordienne. La MRC du Fjord refuse de prendre position même si certains élus plus près de Baie Saint-Catherine, comme Petit Saguenay, donnent leur appui à cette réalisation.

Études d’opportunité

Les nombreuses études d’opportunité menées au cours des cinquante dernières années pour la construction d’un pont à Tadoussac connaîtront une finalité le printemps prochain. Si la dernière étude de 2015 estimait le projet de pont et d’un tunnel d’approche à 600 millions$, on peut facilement estimer les coûts du projet à 1 milliard$ en 2023.

Et pour poursuivre la comparaison, rappelons qu’en 2002, on estimait la construction de la route à quatre voies dans la réserve faunique à 360 millions$. En 2012, à la fin des travaux, on estimait à plus d’un milliard deux cent millions le coût final du projet.

Les arguments

L’un des arguments déployés en faveur de la route à quatre voies visait à freiner la décroissance de la population au Saguenay-Lac-Saint-Jean. On peut dire que l’objectif a été atteint en partie.

  Il s’agit du même objectif qu’on cherche à atteindre chez les gens de la Côte-Nord. Cette région connaît une décroissance fulgurante depuis le départ d’entreprises minières et de la fin des travaux des grands barrages.

La question environnementale

Mais aujourd’hui, on ne peut plus évaluer l’utilité d’un projet sur les seuls critères démographique et économique. Dorénavant on doit analyser si une nouvelle infrastructure de transport routier, hors des grands centres, répond aux objectifs d’occupation optimale du territoire et de la réduction des GES exigés par les gouvernements. On doit aussi tenir compte de l’avis des premiers occupants du territoire.

Ilse trouve effectivement que le pont souhaité à l’embouchure du Saguenay répond à ces nouvelles considérations. Soustraire quelques 40 000 passages annuels de grands traversiers contribue à la sauvegarde de mammifères marins et réduise l’utilisation des énergies fossiles. Le nombre d’utilisateurs en pleine période de vacances d’été n’auront plus à attendre des heures le traversier ou à se payer une centaine de kilomètres supplémentaires pour sauver une demi-heure ou même une heure d’attente en brulant des milliers de litres d’essence.

Comme le nouveau pont serait installé à plus de 7 kilomètres de Tadoussac, sous les lignes de transmission d’Hydro-Québec, on minimise aussi l’impact sur la nature environnante. La Coalition Union 138 a, en outre, obtenu l’appui essentiel des Innus du territoire.

Avantages pour la région

Et Le Saguenay-Lac-Saint-Jean y trouve aussi son compte si l’on considère que l’un des critères pris en compte dans le rapport du Bape pour le projet GNL a trait à la conservation des mammifères marin menacés comme le béluga. Blackrock et Ariane Phosphate devraient s’en réjouir aussi.

Et au prix où sont ces infrastructures, on peut douter que le Saguenay puisse, à court terme, construire un autre pont sur son territoire. Déjà que les quatre voies divisées ont fait pas mal de jaloux à travers la province, la région devrait appuyer la Côte-Nord.