Si on s’en tient à l’opinion de la minorité toujours plus flamboyante et criarde des contestataires, les Québécois ne s’intéressent que très peu à la monarchie. Pourtant, le décès de la reine occupe depuis son départ de grands espaces sur toutes les plateformes et le cortège funèbre illustre les pages de nos médias conventionnels qui nourrissent la demande populaire.
Même si les plus irréductibles antimonarchiques (dont certains leaders péquistes), réclament l’abolition du lien qui nous relie à la Couronne, la disparition de cette reine Élizabeth nous ramène à certaines réalités historiques plus difficiles à désancrer que le suggèrent certaines affirmations des opposants. Et les profs d’histoire et de politique sortent grands gagnants dans toute cette saga du couronnement.
Régime politique
Parce que le Canada demeure une monarchie constitutionnelle même si on a rapatrié la constitution en 1982 et parce que, comme l’explique le professeur Patrick Moreau dans la revue « Argument et essayiste », sans cette couronne au-dessus de nos têtes le peuple ne serait plus assujetti à une constitution, à une charte « qui lui ont été octroyées, mais qu’il n’a ni écrites ni même votées ». Ce qui signifie que si nous le peuple étions souverain, nous devrions transformer notre régime politique, réécrire notre constitution, nos chartes et remettre nos valeurs en question.
Histoire et politique
Et même si ce pouvoir de la royauté apparaît symbolique, il gouverne nos vies par gouvernement interposé. On le constate chaque jour dans nos tribunaux avec les procureurs de la Couronne, en politique avec nos gouverneurs généraux et nos lieutenant-gouverneurs et par tous ces fonctionnaires, juges, députés et ministres qui doivent prêter serment à la Couronne.
Influence monarchique
En principe, le pouvoir de gouverner appartient à la Couronne qui le confie au gouvernement, c’est ce qu’on peut lire sur le site de Patrimoine Canada. On y trouve aussi que la reine est l’incarnation vivante de la Couronne et que cette reine détient ce pouvoir de Dieu.
On retrouve cette règle incontestable dans le préambule de la constitution de 1982. Et, plus encore, si vous lisez le texte de la proclamation de Charles III, on peut y lire : « Par la Grâce de Dieu Roi du Royaume-Uni, du Canada… Défenseur de la Foi ». Comme le souligne l’excellent analyste Patrick Moreau, « on comprend mieux le rejet viscéral de la laïcité par le gouvernement fédéral et d’une bonne majorité de la population canadienne. »
Moment de réflexion
Les derniers jours où l’actualité n’a pu se soustraire au faste des nombreuses cérémonies et hommages à la disparition d’une reine admirée par son peuple nous auront tout de même permis de revenir sur les fondements de notre régime politique qui nous distingue de la démocratie plus populiste de nos voisins américains. Eux qui ont vu plusieurs loyalistes émigrer au Canada, en Ontario surtout, durant la guerre d’indépendance des États-Unis. Si là-bas le peuple s’est désisté de la Couronne, on éprouve tout de même de sérieuses difficultés avec le multiculturalisme, l’action sociale, les soins de santé et les débordements des ténors populistes. Voici donc que la disparition d’une reine nous donne l’occasion de réfléchir à ce qui nous apparaît comme le meilleur des régimes pour nous tous. Saurons-nous en bénéficier?
(418) 546-2525
ckaj@ckaj.org