La carte des comtés de la Georgie peut sembler majoritairement rouge et simplement tachetée de bleu. Pourtant, le sénateur démocrate sortant vient bel et bien de remporter sa réélection mardi soir. Le deuxième tour de l’élection sénatoriale opposant le démocrate et révérend Raphael Warnock au républicain et ancien joueur de football Herschel Walker s’est soldé par une marge de quelque deux pourcents et demi; les deux adversaires s’échangeant la place de meneur comme dans une partie de ping-pong en lieu et place de la soirée électorale.
Une autre illustration du clivage urbain/rural qui façonne la dynamique politique de plusieurs États américains, y compris l’autrefois très conservatrice Georgie. La prédominance d’Atlanta n’est plus à prouver. N’occupant qu’une petite partie du territoire de l’État, la région métropolitaine rassemble toutefois un peu plus de 6 millions d’habitants dans un État qui en compte 10,8 millions. Aussitôt sorti de la ville et de ses couronnes de banlieues (l’appui démocrate commence à s’effriter dès la deuxième couronne), on s’aperçoit que la ruralité sonne comme une toute autre réalité. On y trouve un électorat généralement moins éduqué qui voit d’un mauvais œil les progrès sociaux et technologiques dont les villes sont l’épicentre.
Comme bon nombre d’autres États du Sud, la Georgie est de plus en plus peuplée; son poids politique augmente au sein de l’Union, de plus en plus diversifiée; la population noire, latina et immigrante ne cesse de croître, et de plus en plus urbaine; les villes se densifient au détriment des comtés ruraux.
Raphael Warnock a pu bénéficier pour la deuxième fois du modèle mis en place par Stacey Abrams, candidate défaite au poste de gouverneur, visant à enregistrer les Afro-Américains, particulièrement les jeunes adultes noirs, sur les listes électorales et à les inciter à se rendre au bureau de scrutin. Modèle plus ou moins fructueux pour elle-même devant la popularité du gouverneur républicain Brian Kemp largement réélu au premier tour en novembre, mais modèle qui a permis à Biden de remporter l’État par 11 000 voix et de faire balancer les deux sièges sénatoriaux dans le camp démocrate en 2020.
Ce cinquante-et-unième siège démocrate fera toute la différence au Sénat. Il donnera une majorité plus confortable au parti de Joe Biden qui contrôlait jusqu’alors la chambre haute avec la simple voix de bris d’égalité de la vice-présidente Kamala Harris, qui préside symboliquement le Sénat. L’appui de l’un des deux sénateurs démocrates modérés, Joe Machin de la Virginie-Occidentale et Kyrsten Sinema de l’Arizona, sera toujours nécessaire pour gagner un vote, mais ces derniers viennent de perdre une part de leur influence en voyant quelque peu s’effriter la balance du pouvoir qu’ils possédaient jusque-là.
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