Il n’y a pas que les médias qui subissent les impacts des réseaux sociaux. Au moment d’écrire ces lignes, Produits forestiers Résolu annonçait une nouvelle fermeture temporaire de la papetière de Kénogami pour la période des Fêtes.
Dans ce cas précis, l’inquiétude et le doute prennent une toute nouvelle dimension. Compte tenu du marché actuel du papier et de la transaction qui a fait passer Produits forestiers Résolu à Domtar, propriété du Groupe Papier Excellence, l’avenir n’a rien de rassurant.
Des décideurs indonésiens
Groupe Papier Excellence, dont le siège social est à Richmond en Colombie-Britannique, est une des nombreuses filiales du géant mondial du papier, Asian Pulp and Paper, propriété du milliardaire indonésien, Widjaja. M. Widjaja. Toutes les acquisitions du Groupe Papier Excellence au cours des dernières années visent à trouver des substituts à la décroissance dans le papier journal et le papier de bureau.
Même si le carton connaît une hausse de la demande, sa production ne peut suffire à consolider les activités de l’ensemble de l’industrie. Tout juste avant de passer aux mains de Domtar, en 2021, Résolu avait annoncé un investissement de 38 millions$ pour un projet novateur de fibre cellulosique à l’usine de Kénogami. Bien que certains tests tentent de démontrer l’efficacité de cette fibre mélangée à du béton, aucun résultat d’analyse des échantillons n’a encore été rendu public.
Inquiétudes chez les travailleurs
Les travailleurs de l’usine de Kénogami ne sont pas inquiets pour rien. Ils savent très bien qu’il y a 20 ans, un scénario fort semblable s’est produit à la Consol de La Baie où 642 employés ont perdu leur emploi. Là aussi, on avait subi de nombreuses fermetures temporaires avant une dernière qui fut définitive. Avec l’acquisition de Résolu, Domtar possède aussi les usines de Dolbeau, Alma et de Saint-Félicien. C’est cette dernière qui fournit la
pâte pour la fabrication de la fibre cellulosique à Kénogami. Si les usines de Dolbeau, Alma et Kénogami sont encore identifiées à la production de papier et donc davantage fragilisées, la compagnie trouve toujours de l’intérêt dans la région pour ses usines de fabrication de bois d’œuvre et de rabotage.
Surtout et avant tout, cette transaction a permis à Domtar d’acquérir pas moins de sept centrales avec une puissance installée de 170 MW. Mais, même si la Régie de l’énergie du Québec peut intervenir dans les transactions de ventes de centrales électriques privées, les besoins du Québec en électricité en liaison avec les objectifs d’économie verte ne cessent d’augmenter. Entre investir pour conserver des machines à fabriquer du papier que personne ne veut et vendre de l’électricité avec des centrales installées et payées depuis longtemps, le choix semble évident.
L’Ontario l’a vécue en 2012 quand Domtar a vendu ses actifs hydroélectriques 45 millions$ à Ottawa.
Loin des décideurs
Depuis plusieurs années dans la région, des bouleversements de l’activité économique s’annoncent au cours de cette période de réjouissance, pendant que nos dirigeants ont d’autres préoccupations, comme les grèves dans le secteur public ou la préparation des budgets.
En 2004 aussi, on croyait que la fermeture de l’usine de La Baie ne serait que temporaire et quand on a voulu réagir, il était déjà trop tard. Les travailleurs des usines concernées ont besoin de savoir. Leurs représentants politiques peuvent toujours les rassurer, mais ce sont les propriétaires qui prennent les décisions. Et ça n’a rien de rassurant.
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