De tous les journalistes que j’ai connus, Jean-François Lépine demeure le modèle ayant influencé le mieux mon parcours de journaliste. Sa rigueur, sa connaissance des dossiers et sa façon subtile de les vulgariser l’ont porté vers le sommet de son art.
En abordant son dernier essai, ‘’Les angoisses de ma prof de chinois’’ paru en 2023, je connaissais déjà son intérêt pour ce pays qu’il a côtoyé durant une trentaine d’années comme journaliste d’abord puis comme représentant du Québec à Shanghai, de 2016 à 2022. Je n’aurais jamais cru qu’il puisse à ce point entrer dans les entrailles de ce pays. À l’occasion du Salon du livre de Saguenay qui s’ouvre aujourd’hui, il nous rend visite pour nous présenter son dernier essai où il livre un véritable cours magistral d’histoires vécues de l’intérieur.
Comme beaucoup de Québécois, je suivais ses émissions d’enquêtes : Enjeux, puis surtout, le Point , de 1992 à 1998 où Lépine nous informait de façon limpide, loin de l’arbitraire et toujours appuyé sur des faits. À travers les angoisses de son prof de mandarin, Aisheng, tout comme par les témoignages d’amis chinois, on saisit mieux ce peuple soumis depuis des millénaires à des régimes totalitaires, mais, qui est parvenu à se hisser parmi les puissances économiques mondiales.
Révolution économique
Même si, pour expliquer cette évolution, l’auteur revient un court instant sur les dynasties plus anciennes, il demeure tout le long de son récit au creux de l’histoire contemporaine. Celle où la Chine a connu la révolution économique sous Deng Xiaoping, notamment par l’entremise de Canadiens comme Paul Desmarais, dans les années 1980. Le président de Power Corporation, qui aida l’empire du Milieu à acquérir une usine de pâtes et papiers en Colombie-Britannique, puis avec Bombardier, mettait sur pied une société d’État chinoise dans le domaine ferroviaire.
Un pays où des groupes d’étudiants chinois, répartis à travers le monde, apprennent et amorcent la révolution économique de ce pays encore majoritairement peuplé de paysans pauvres et peu instruits jusqu’à la fin du 20e siècle.
Les jeunes résistent
Toute en nuance, il nous rappelle comment les Chinois sont passés d’un despote comme Mao, à un dirigeant plus terre à terre et visionnaire comme Deng Xiaoping puis, pour revenir de nouveau aujourd’hui, avec un dictateur, Xi Jinping, qui rêve de dominer le monde.
Jinping, cet autocrate qui revient à la répression contre la jeunesse, en fermant des milliers de sites internet et d’applications pour les remplacer par sa propre application. Celle qui oblige les jeunes à étudier la pensée du chef d’État, la pensée Xi.
Malgré cette initiative et bien d’autres mesures pour embrigader la jeunesse chinoise, les jeunes, selon ce que Lépine nous raconte, ne se laissent pas berner et résistent en silence.
Certains rejettent même la société chinoise et décident tout simplement d’abandonner. D’autres se réfugient dans la culture bouddhiste, baissant les bras devant l’adversité et se contentent d’une résignation plus joyeuse.
Livre enrichissant
Le titre ‘’Les angoisses de ma prof de chinois’’, un peu fleur bleue, m’a longtemps fait hésiter avant d’aborder cet essai de 350 pages. Une fois franchies les premières pages, j’ai eu du mal à m’arrêter. Lépine, le diplomate, a rapidement repris son style journalistique pour nous plonger dans cet empire du Milieu et nous dévoiler ‘’Où la Chine s’en va’’. Un livre inspirant et enrichissant qui servira certes de référence aux férus d’histoire et de science politique.
L’auteur occupera un kiosque du Salon du livre, demain, samedi et dimanche.
(418) 546-2525
ckaj@ckaj.org