
L’histoire de l’échec de la négociation entre le Gouvernement du Québec et les fédérations des médecins et l’imposition sous bâillon de la loi 106 (loi 2) est une chronique d’un échec annoncé pour l’augmentation de la qualité des soins aux patients.
Une démarche progressive pour la réalisation d’objectifs quantitatifs avec une pondération avec des objectifs qualitatifs définis par tous les partenaires de notre écosystème de santé avec des incitatifs positifs aurait permis d’apporter des améliorations nécessaires pour les patients. Une démarche brutale avec des indicateurs strictement quantitatifs choisis et définis par le gouvernement conduira à une démobilisation générale des médecins et un échec pour les patients.
J’ai écouté attentivement l’entrevue du ministre Christian Dubé à Tout le monde en parle, un homme politique que je respecte pour son engagement politique et ses efforts pour améliorer le système de santé.
J’ai entendu le testament d’un ministre qui est en poste depuis 5 ans et qui nous laisse en héritage: 1,5 million de personnes qui n’ont pas de médecins de familles, 148 000 personnes en attente de chirurgie, et près d’un million de personnes en attente pour une consultation avec un spécialiste. Avec sa loi 106 (loi 2) qui aura des impacts défavorables pour les patients, Il cherche désespérément avant son départ à faire assumer la responsabilité de son échec aux médecins, à leur imposer une pénalité de 15% sur leur salaire, à les forcer à travailler davantage avec des indicateurs de performance quantitatifs et les contraint à rester au travail par la force.
Dans cette entrevue, Il n’a apporté aucune explication crédible pour soutenir sa démarche. Après avoir accuser les médecins de ne pas travailler suffisamment devant le tribunal de l’opinion publique et avoir fixer un objectif de 16,5 millions de plages de rendez-vous en médecine de famille pour les faire travailler davantage ( objectif national N 3 ,) en réponse à une question sur la démobilisation, l’angoisse et la détresse de très nombreux médecins et particulièrement des femmes, il a même cherché à berner l’animatrice , heureusement sans succès, en affirmant que sa réforme leur permettra de travailler seulement trois jours par semaine en utilisant les services d’une infirmière spécialisée.
Le ministre refuse d’admettre, mais il sait très bien, que le mépris pour les médecins, la diminution de 15% leurs salaires et un contrôle bureaucratique plus étroit de leurs activités avec des indicateurs quantitatifs inventés par des bureaucrates aura pour résultat de diminuer leur motivation au travail, leur productivité et la qualité des soins aux patients
Conscient des résultats de sa démarche, il inscrit dans sa loi des pénalités d’une importance exceptionnelle pour les retenir de force au travail et même pour les pénaliser en cas de baisse de leur productivité. Les accusés sont présumés coupables et doivent faire la preuve de leur innocence. Une action simultanée entre deux médecins peut être considérée comme une action concertée punissable par la loi. Une large partie de cette loi sera sans doute annulée par les tribunaux, mais le gouvernement a sans doute calculé que ce sera après les prochaines élections.
Qu’est devenu le respect de l’intelligence des patients de notre ministre de la Santé, quand il cherche à nous faire croire qu’il veut améliorer notre accès à des soins de qualité en gardant les médecins au travail par une loi d’une contrainte inacceptable pour tous.
Penser qu’une punition motive, c’est ignorer 50 ans de science du comportement. La punition peut forcer l’action, mais elle tue la passion et la passion est le moteur des bons résultats à long terme.
Soyons clair, l’objectif premier de la loi 2 est de diminuer le salaire des médecins, une vieille promesse électorale de François Legault.
La loi 2 permet d’abord de diminuer la masse de rémunération des médecins de 15% par année, soit 1,35 $ milliards par an et 4,5 milliards pour une période de 3 ans. Une partie de cette masse salariale sera versée progressivement aux médecins selon le degré d’atteinte des objectifs. Le montant versé est difficilement prévisible car il dépend à la fois des objectifs qui sont fixés par le Gouvernement et des efforts des médecins pour les atteindre. Le Gouvernement pourra fixer d’autorité des objectifs plus élevé dans trois ans et poursuivre sa pénalité salariale de 15%.
La loi 2 permet également le gel de la rémunération des médecins pour une période de 5 ans ce qui permet d’économiser 3,1 milliards (calcul avec une augmentation minimale de 2% par an). La loi permet également de supprimer sournoisement des primes sans discussion pour faire des économies.
Le rémunération moyenne des médecins est élevée et c’est une question qui devrait faire partie d’un débat politique éclairé. Pour établir une base comparable avec les salaires, nous devrions d’abord déduire les bénéfices marginaux et les dépenses liées à cette rémunération. Nous devrions également prendre en considération les écarts entre les professions et entre les membres d’une même profession. Le mode de rémunération actuel incite à privilégier le volume sur la qualité des soins et les indicateurs quantitatifs de la loi renforceront ce comportement.
Une comparaison avec les autres provinces serait également utile. Le Gouvernement nous laisse croire que nos médecins sont plus payés que ceux des autres provinces. Il n’en fait pas la démonstration et refuse l’arbitrage sous prétexte que l’augmentation des salaires serait trop élevée. Dans sa loi, il empêche de plus les médecins d’aller travailler dans les autres provinces, comme si les avantages étaient plus importants.
Si le Gouvernement estime qu’il n’a plus les moyens financiers pour respecter ses engagements financiers pris envers les médecins et qu’il doit imposer un gel des salaires pour une période de 5 ans compte tenu de sa situation financière, il devrait le dire clairement au lieu d’en faire les boucs émissaires de ses échecs dans le système de santé et d’imposer des changements qui ne sont pas dans l’intérêt des patients.
Le deuxième objectif de la loi 2 est de donner suite à la promesse électorale de donner un médecin de famille à chaque québécois.
C’est un objectif noble que je partage compte tenu que c’est la porte d’accès privilégié à l’ensemble des services du système de santé pour le citoyen.
La distribution obligatoire et bureaucratique des patients à des groupe de médecins n’est cependant pas une solution pour favoriser l’accès à des soins de qualité pour les patients. Elle permettra principalement de transférer des patients de la liste d’attente pour un médecin de famille dont le gouvernement est responsable, à la liste d’attente pour obtenir un rendez- vous d’un médecin de famille dont les médecins sont responsables.
Incapable d’apporter une solution efficace à l’accès aux soins de première ligne pour les patients, le Gouvernement a choisi d’en transférer la responsabilité aux médecins de famille.
Les groupes de médecins de famille seront maintenant responsables de l’accès aux soins pour les patients sans avoir les moyens nécessaires pour obtenir les résultats souhaités.
Les politiques de fin de régime du François Legault ne sont pas des actes de courage, mais des efforts désespérés pour rester en poste. Ce sont les citoyens et les patients qui en feront les frais.
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