
L’audience du Tribunal administratif du Travail, dans le dossier de la contestation du congédiement de l’ex-dg de la Société de transport du Saguenay (STS), Jean-Luc Roberge, s’est poursuivie jeudi après-midi, présidée par la juge Myriam Bédard. Le conseiller municipal sortant d’Arvida, Jean-Marc Crevier, qui a siégé sur le CA de la STS à titre de vice-président pendant quatre ans (2017-2021) et ensuite comme président quelques mois jusqu’en 2022, a dit se souvenir des gros projets entretenus par la STS à ce moment-là, pour remplir les autobus.
Il cite au passage la Zone Talbot et la ligne directe entre le Cégep de Jonquière et l’arrondissement de Chicoutimi.De toutes les commissions ou comités de la ville sur lesquels il a siégé, il mentionne que le CA de la STS est le groupe où il a trouvé le plus difficile de siéger. « Pas pour mal parler, mais notre président Marc Pettersen avait maille à partir avec plusieurs membres de groupes de travail spécifiques à la ville, que ce soit aux travaux publics ou les pompiers. Il sortait sur la place publique et les attaquait. Ça ne nous aidait pas. Et puis certains conseillers ne nous ont pas aidés non plus. Julie Dufour et Michel Potvin allaient souvent parler à la radio contre la STS . Je me souviens d’une déclaration de Mme Dufour, alors conseillère, qui disait que si elle était élue mairesse, elle allait amputer le budget de la STS de 4 à 6 M$. Je croyais qu’elle s’était trompée de chiffres dans sa déclaration...Mais non: elle avait vraiment l’intention de couper dans ces approximatifs-là ».
Assemblée du 18 novembre 2019
À l’époque, Jean-Marc Crevier disait souhaiter depuis longtemps une rencontre avec les membres de la Commission des finances de la ville, pour tirer les choses au clair, et en espérant, entre autres, faire augmenter la quote-part de la ville. Et ils ont obtenue la rencontre du 18 novembre 2019. « On avait à répondre à des questions pointues, genre combien d’utilisateurs prenaient l’autobus, etc…Des questions tellement pointues que je crois que même aujourd’hui, le directeur général actuel (Frédéric Michel) aurait de la misère à répondre à ces questions. C’était pas plaisant comme rencontre ».
Reproches
Questionné par Me Marius Ménard, Jean-Marc Crevier a dit ne pas avoir eu à adresser une série de reproches à M. Roberge . Un seul lui est revenu à l’idée. « Jean-Luc participait aux négociations syndicales à un moment donné. Je lui ai fortement déconseillé de faire ça, lui demandant de se retirer de là, que ce n’était pas sa place, et de laisser plutôt les ressources humaines faire leur travail, et qu’il n’aurait qu’à lire le rapport pour avoir le suivi des négos. Sinon, je vous dirais que Jean-Luc Roberge, c’est un infatigable. Il travaille fort ».
Concernant la relation que Jean-Luc Roberge avait avec sa directrice des ressources humaines, Mélanie Tremblay, M. Crevier avoue avoir fait ses vérifications, après avoir éprouvé un malaise face à la situation. « Ça me dérangeait un petit peu, mais pas plus que ça. Je me suis alors dit que je ne pouvais pas parler de choses concernant Jean-Luc avec les ressources humaines ».
Contrat de travail
L’idée de Jean-Luc Roberge de faire renouveler son contrat de travail avant 2021 avait aussi fait réagir Jean-Marc Crevier à l’époque. Ce dernier croyait qu’on était mieux d’attendre que l’élection de 2021 soit passée avant de procéder, ce qui contrastait avec l’intention de l’ex-directeur général. « J’ai tout de même sondé les membres du CA au complet pour connaître leur pouls, en faisant un tour de table, quant à leur satisfaction du travail de M. Roberge. Le résultat a été unanime: ce qu’ils me disaient, c’est que s’ils avaient à renouveler le contrat de travail de M. Roberge, ils seraient prêts à le faire tout de suite. J’ai aussitôt communiqué le résultat de ma consultation à M. Roberge. Il était très heureux...mais ça n’allait quand même pas assez vite à son goût ».

Pressions de Josée Néron
M. Crevier rappelle la pression populaire existant autour de la STS, des gens qui parlaient d’autobus vides. Me Félix-Antoine Michaud fait avouer à Jean-Marc Crevier que dans « l’ère Josée Néron » à la mairie, la pression existait aussi dans l’administration municipale. Jean-Marc Crevier confirme qu’un vendredi soir à 18 heures, il a reçu un appel de la mairesse Josée Néron, lui demandant des comptes et des questions précises sur la STS. Se sentant alors exaspéré, Jean-Marc Crevier se confie à Jean-Luc Roberge, lui disant "Y ont juste à les faire, leurs coupures !" Une exaspération que comprend et partage M. Roberge, qui n'hésite pas alors à partager son feeling avec M. Crevier, et n’hésite pas à parler "d’acharnement".
Avènement Julie Dufour
L’avènement de Julie Dufour à la mairie en 2021 ne sécurisait pas Jean-Marc Crevier, en ce qui a trait à la STS. Il se souvenait de la promesse de la nouvelle mairesse de vouloir financièrement couper dans la structure. « Quand Michel Tremblay et moi on a dit vouloir retourner sur le CA de la STS après l’élection, vers la mi-novembre, la mairesse nous a dit de ne pas aller là, que ça allait brasser. On savait aussi qu’il y avait un rapport de la vérificatrice générale qui s’en venait. On se questionnait aussi, Michel Tremblay et moi, sur ce rapport. On s’est demandé s’il y avait pu y avoir quelquechose qu’on aurait fait qui n’était pas correct quand on était sur le CA précédent. Quand Michel Potvin nous a dit qu’il irait sur le CA de la STS, on s’est dit Michel Tremblay et moi qu’on irait aussi, et que s’il y avait des choses à corriger, on le ferait ensemble. Mais on ne savait pas ce qui s’en venait ».
Rapport vérificatrice générale
Puis est venu la sortie du rapport de la Vérificatrice générale. Et la suspension de Jean-Luc Roberge de ses fonctions. En février 2022, Jean-Marc Crevier (qui était alors président du CA), avait demandé l’assistance d’une ressource légale pour la conception d’une lettre, faisant état de la suspension avec solde de M. Roberge. « Je me suis rendu rencontrer Jean-Luc Roberge en compagnie de mon collègue conseiller Claude Bouchard, qui était sur le CA de la STS. Nous lui avons remis une lettre comme quoi il était suspendu. Il ne comprenait pas pourquoi. Je lui ai dit de ne pas s’inquiéter, qu’il était payé tout en étant chez lui ». C’est au moment de lui signifier la suspension que Jean-Marc Crevier a appris de la part de Jean-Luc Roberge que le contrat de travail de ce dernier se renouvelait automatiquement. Il n’était nullement au courant de ce détail. Quoi qu’il en soit, à la suite des événements, Frédéric Michel a alors accepté d’occuper la fonction de dg par intérim.
Communications
Il a finalement été mis en lumière, lors du contre-interrogatoire, que Jean-Marc Crevier a eu quelques communications avec Jean-Luc Roberge, pendant la suspension de ce dernier. L’ex-président de CA ne se sentait pas coupable d’avoir ces communications. « Dans mon esprit, M. Roberge, même suspendu, était encore le directeur général en poste » Par contre, M. Crevier savait qu’il ne fallait pas qu’il soit vu en train de prendre un café dans un endroit public avec l’ex-dg. « Trop risqué », a-t-il avoué.
Prochains témoignages
L’audience, présidée par la juge Bédard, reprendra vendredi matin avec le témoignage du conseiller Michel Tremblay, qui a fait partie du CA de la STS, et qui a aussi été évincé du Comité Exécutif de la ville de Saguenay, pour avoir communiqué avec Jean-Luc Roberge, quand il a constaté que les autobus portant ses panneaux publicitaires payés n’avaient pas circulé dans son district pendant la campagne électorale.
Suivront ensuite, lundi, les témoignages de Max-Antoine Guérin et de la mairesse Julie Dufour.
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