Un éditorial de Richard Banford
Québec et Ottawa accordent des subventions totalisant 7,3 milliards$ à la compagnie suédoise Northvolt, qui s’installe sur un terrain situé en Montérégie entre McMasterville et Saint-Basile-le-Grand. La semaine suivante, Hydro-Québec annonce qu’elle investira au moins 155 milliards dans la production d’électricité d’ici 2035. En 2021, Québec accordait cinq milliards aux sociétés de transport pour atteindre la cible de 2030 en matière d’électrification.
Se joignant au courant, les fabricants d’automobiles, camions, autobus et autres prévoient dépenser 850 milliards$ en dollars canadiens au cours des 10 prochaines années pour équiper leurs véhicules de batteries. C’est la course à la transition énergétique et Québec ne veut pas manquer le coche. On peut constater qu’on y met le paquet, mais peut-on dire qu’on prend le bon chemin pour obtenir la carboneutralité recherchée?
Guerre ou changements climatiques
Ce virage frénétique vers la lutte aux changements climatiques se veut une réponse politique au courant environnementaliste, mais il cache aussi certains intérêts moins éthérés, voire plus cupides.
Il faut se rappeler que cette vague révolutionnaire vers l’électrification a pris tout son sens dans le conflit Russo-Ukrainien. Quand la Russie a décidé de fermer le robinet de pétrole aux pays importateurs, ils ont compris qu’il fallait emboiter le pas au mouvement d’électrification et la lutte au réchauffement climatique leur en offrait l’opportunité.
Même si la France conserve toujours l’option du gaz naturel liquéfié (GNL) ou l’hydrogène comme soupape, ici au Québec, on n’a pas osé revenir là-dessus. La CAQ a rejeté l’évaluation gouvernementale du projet GNL prévu à Saguenay, puis Ottawa a refusé d’appuyer le projet saguenéen tout en acceptant que les compagnies poursuivent la transformation s’il s’agit d’hydrocarbures tirés de la fracturation.
Moins polluantes les batteries?
Si cette poussée vers l’électrification des voitures pouvait briser le monopole des multinationales productrices de pétrole, sans doute que tout le monde y gagnerait. Mais de là à effacer toute trace de rejet de CO2, plusieurs experts en doutent.
Le journaliste du Devoir, Stéphane Baillargeon, nous renvoie au livre de l’ingénieur français, Laurent Castaignède, un spécialiste des bilans carbone, qui soutient que même si la question des performances des batteries est réglée, la voiture électrique ne devient pas écolo pour autant.
Le spécialiste français rappelle qu’on utilise des métaux rares qu’on devra produire en plus grande quantité dans un proche avenir pour fabriquer des batteries de plus en plus performantes. Dans son livre, Laurent Castaignède écrit qu’un véhicule électrique tout neuf n’ayant pas encore roulé a en gros deux fois plus d’impacts par sa fabrication qu’un véhicule thermique.
Vu de cet angle, il est manifeste que les vertes intentions des gouvernements ne sont pas aussi chastes qu’elles en ont l’air. Il n’en demeure pas moins que des milliards de dollars d’argent de nos impôts seront consacrés à cette ruée vers l’électrification des véhicules. Si de plus en plus d’experts s’interrogent sur sa véritable portée pour combattre les changements climatiques, on peut toujours souhaiter que ce virage vers l’électricité freine l’appétit des producteurs de pétrole qui prennent en otage les importateurs.
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