En voulant imposer des tarifs douaniers de 25 %, Donald Trump pénalisera les consommateurs américains, estiment des exportateurs québécois. Alors qu’il faudra attendre pour voir si le président désigné met sa menace à exécution, certaines entreprises y voient même des occasions d’affaires.
L’imposition de tarifs douaniers sur les produits canadiens fera hausser les prix des produits de commodité aux États-Unis, lance d’emblée Frédéric Verreault, le directeur exécutif de Chantiers Chibougamau. «On vend des produits de nécessité aux Américains dans des marchés qu’ils ne peuvent pas combler eux-mêmes», dit-il, parlant de bois d’œuvre pour construire les maisons, mais aussi de pâte kraft qui entre dans la fabrication de papier de toilette.
L’industrie forestière canadienne doit déjà composer avec des tarifs douaniers de 14,54%, mais la perspective d’une taxe supplémentaire pourrait générer des opportunités à court terme, estime Jean-François Samray, le président-directeur général du Conseil de I’industrie forestière du Québec. «D’ici au 20 janvier 2025, il faut toutefois s’attendre à ce que les acheteurs augmentent leurs achats afin d’accroître leurs inventaires de bois payés moins cher».
Avec le marché de la construction qui est reparti à la hausse, il croit également que le prix des maisons risque d’augmenter si une telle taxe est imposée. «Ironiquement, c’est le consommateur américain qui paiera la facture», ajoute M. Samray, précisant que les États-Unis ne répondent qu’au deux tiers de leurs besoins pour le bois d’œuvre, le carton, les panneaux et tous les autres coproduits du bois.
Des occasions d’affaires?
De nouveaux tarifs douaniers nuiront à la majorité des entreprises, mais certains manufacturiers pourraient profiter d’occasions d’affaires. Loin de se réjouir à l’idée de tels tarifs, Frank Gilbert, le directeur général de Produits Gilbert, croit que son entreprise, qui produit notamment des raboteuses, pourrait vendre davantage de machines.
«Si les tarifs font en sorte que les Américains importent moins de bois du Canada, les industriels du sud des États-Unis voudront développer de nouveaux projets de scierie, ce qui pourrait avoir un impact positif pour nous», dit-il. Avec la dévaluation du dollar canadien, le coût des intrants, notamment l’acier et les servomoteurs, augmentera, ce qui causera de l’inflation. «On produit les planeurs les plus rapides au monde, alors on devrait s’en sortir», ajoute-t-il.
Taxer le panier d’épicerie?
Le président du Groupe Bleuets Sauvages du Québec, Jean-Pierre Senneville estime qu’il est prématuré pour faire des prévisions sur une future taxe qui pourrait être imposée à tous les produits canadiens. «C’est le consommateur américain qui va payer cette taxe-là», estime Jean-Pierre Senneville, le président du Groupe Bleuets Sauvages du Québec. Selon ce dernier Donald Trump met la barre haut en lançant les négociations avec une taxe de 25 %, mais des groupes de pression et différentes industries feront des représentations pour changer la donne.
Selon le Département américain de l’agriculture, 60 % des fruits et 38 % des légumes sont importés aux États-Unis. En imposant une taxe de 25 % sur tous les produits en provenance du Canada et du Mexique, ce sont les consommateurs qui devront payer plus cher pour leur nourriture. (En 2022, le Canada a fourni 2 % des fruits et 20 % des légumes importés aux États-Unis. Le Mexique a fourni 51 % des légumes et 69 % des fruits.)
Lors de son premier mandat, Trump a tenté d’imposer une taxe sur le bleuet cultivé et sauvage, rappelle Jean-Pierre Senneville. «On avait réussi à juguler cette taxe-là en faisant des représentations et on devra le faire à nouveau, en misant sur les attributs santé et biologique de notre produit», dit-il. Si une taxe est imposée, les impacts seront importants, car les États-Unis représentent près de 50 % des exportations de son Groupe.
Ce sont les grandes firmes juridiques américaines qui seront les grands gagnants, croit Jean-Pierre Senneville, car les exportateurs et les consommateurs seront perdants. «La constante dans ces négociations-là, ce sont les coûts reliés à la défense de nos intérêts là. On ne s’en sortira pas.»
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