Éditorial - Richard Banford -
Le Canada est souvent confondu aux États-Unis par ceux et celles qui vivent bien loin de ces gens d’Amérique du Nord. Il existe pourtant des différences fondamentales.
On peut encore le constater ces jours-ci avec la nouvelle voulant qu’on songerait à renverser la décision de la Cour Suprême des États-Unis dans l’affaire Roe vs Wade. Si on décidait d’invalider cette décision, au moins la moitié des états américains interdirait l’avortement et certains iraient même jusqu’à interdire la contraception.
Ici au Canada, un sondage Léger démontre que 80% des canadiens sont en faveur de l’avortement. Et 70% de ces répondants se disent inquiets des répercussions que pourrait avoir ce débat américain sur le Canada.
On reconnaît dans ce renversement de situation l’influence de Donald Trump qui avait promis à ses admirateurs de droite de casser cette décision. Il a d’ailleurs nommé plusieurs juges conservateurs à cette fin avant de se voir évincé par les électeurs.
Jamais au Canada
Il n’a fallu qu’un lever de voile sur une fuite de l’avant-projet d’une décision de la Cour suprême des États-Unis invalidant dans Roe vs Wade pour que le débat s’enflamme et entraîne le Canada dans cette polémique. Les amis de Trump voudraient non seulement abolir l’avortement, mais criminaliser les méthodes de contraceptions. Méchant recul pour le droit des femmes : désormais, la femme ne serait plus l’égal de l’homme.
Même si, on l’a vu dans la manifestation des anti-masques à Ottawa, le Canada abrite sa part de fans de Trump, jamais les Canadiens accepteraient un tel repli. Même si aucune loi n’a été adoptée pour décriminaliser l’avortement au Canada, aucun politicien canadien n’oserait remettre en cause l’abolition de cette loi rétrograde sous peine de se voir effacer de l’arène politique.
L’économie à la rescousse
Chez notre voisin américain on pourra compter sur les sciences économiques pour se porter à la défense des pro-choix. À la fin de l’été dernier, 154 économistes et experts ont soumis un mémoire devant la Cour suprême. On y découvre des données confirmant que l’arrêt Roe vs Wade a permis de réduire du tiers le nombre de mères adolescentes et 20% le nombre de mariages avant l’âge adulte.
On attribue aussi à cet arrêt la diminution de près de 40% des cas de mortalité maternelle chez les femmes noires. On ajoute que la levée de cette interdiction a contribué à un peu plus de 23% à la probabilité que les adolescentes noires réussissent leurs études secondaires et qu’on a connu une hausse de 23 à 27% pour qu’elles accèdent à l’université.
Par ailleurs, la revue Fortune estime dans ses pages que les barrières à l’avortement coûteraient au moins 105 milliards par année à l’économie américaine, seulement en perte de revenus, de productivité et de chances de carrières infligées aux femmes de 15 à 44 ans. Et si Roe vs Wade devait être invalidé, Fortune estime que la facture pourrait être beaucoup élevée.
Les chiffres ne laissent jamais les Américains indifférents même chez les plus conservateurs d’entre eux. Nul doute que la vice-présidente, Kamala Harris, femme engagée depuis son tout jeune âge pour la défense des droits civiques, ne laissera pas cet arrêt historique se faire saccager par l’héritage d’une présidence dictatoriale.
(418) 546-2525
ckaj@ckaj.org